FETES ET REJOUISSANCES


La fête du mois de mai, la "fouée" de la St Jean et surtout "l'assemblée" étaient les plus attendues.

 

LES CHANTOUS DU MOIS DE MAI

 

Dès la tombée de la nuit du 1er mai, des gars, en bande, l'un portant un grand panier d'osier, un autre une branche de "feue" (hêtre) aux feuilles toutes nouvelles, entraient dans les cours en chantant :

"En entrant dans cette cour par amour, Nous saluerons le seigneur par honneur, le valet, la chambrière par derrière

Les petits enfants et ou (aussi) par amours".

Ensuite ils demandaient Faut-il chanter? si la réponse était affirmative, ils continuaient :

Voici le mois de mai ou les rosiers boutonnent

Où les jeunes garçons en portent à leur mignonne,

Ils apporteront un joli petit bouquet

A l'arrivée du mois de mai,

Ils vous l'apporteront. Vous en serez contents,

A l'arrivée du doux printemps....

Satisfaits de l'accueil, ayant mis dans leur panier les oeufs reçus, les chanteurs offraient une petite branche verte et terminaient par ce couplet :

En vous remerciant le maître

En vous remerciant du présent

Il est bien et fort honnête.

Retournez-y promptement dans votre lit,

Retournez-y promptement vous coucher,

Car nous allons nous en aller !

Si dans la maison dormait une jeune fille, en souvenir de leur passage, ils posaient sur le rebord de la fenêtre une branche de "badisier" en fleurs (merisier), preuve qu'un coeur au moins battait pour elle. Par contre, si la porte restait close et le maître insensible ils lançaient :

" Paressou, paressou, reste dans ta paresse

Les pieds dans tes"linceux (draps), les talons dans tes fesses

A la vieille fille acariâtre ils laissaient un chou monté en graines. Au petit matin, leur tournée achevée, les jeunes gens, aphones et fatigués, mais heureux s'attablaient dans une auberge ou une magnifique omelette leur était servie, faite d'une partie seulement des oeufs ramassés, le reste étant vendu au profit de toute la bande.

 

LA NUIT DE LA SAINT-JEAN

"Voici de la Saint-Jean, la longue journée

Voici de la Saint-Jean, la belle veillée"

A la Saint-Jean, pour fêter la nuit la plus courte de l'année, en un point élevé, à la Croix Charles le plus souvent, était allumée  une grande "fouée" autour de laquelle tournait en chantantes farandoles.

Et pour finir, les garçons empoignant les filles, suivant l'amusante tradition, les faisaient sauter, une à une, par-dessus les flammes devenues moins hautes.

 

L' ASSEMBLEE

Si la fête patronale religieuse, accompagnée d'une procession religieuse avait lieu le dimanche suivant le 8 septembre, le lundi était réservé à la fête profane de l'assemblée.

Le matin les chars à bancs fleuris et décorés toutes les places occupées, prennent la route d'Uzel, le premier ayant à son bord les sonneurs de  biniou et de bombarde pour donner sur  la grand' place, une aubade aux Uzelais. La tournée des estaminets faite, on revient à Grâce où se tient, au Clos Cran, le concours de tir il la cible au fusil de chasse, qui dure toute la matinée.

On rentre, chacun chez soi, pour manger, rapidement, car l'après-midi, les garçons du pays, montés sur des chevaux de labour, participent à plusieurs courses dotées de prix qui attirent tout le monde. Du champs de course parfois éloigné on revient bras dessus, bras dessous, vers le bourg où déjà les aubergistes servent bolée sur bolée.

La foule, de plus en plus dense arrivant des villages éloignés et même des communes voisines, se presse devant les étalages de marchands,  où se vendent pochettes surprises, moulinets, crins crins, mirlitons, pistolets à amorces, sifflets à roulette, bonbons, etc..

Sur le "carouge" (la place) se déroule tout l'après-midi, rondes, dérobées, et autres danses, au son du biniou, de la bombarde ou de la clarinette.

Les hommes, suivant la coutume, terminaient cette journée mémorable dans les auberges.

LA NOCE

 Le 29 septembre, c'est la "Saint-Michié" (Saint-michel) date importante dans la vie campagnarde qui correspondait, tous les ans au paiement de "la levée", c' est à  dire du fermage, au propriétaire et, en cas de bail non renouvelé, au départ du fermier.

A la fin septembre, sa récolte vendue, le cultivateur en dépit de la levée à payer, ayant plus d'aise pour supporter les frais d'un repas de noce, les mariages avaient souvent lieu à cette époque, surtout si le jeune ménage comptait s'installer dans une ferme.

Un gars de Grâce se mariait de préférence avec une fille de Grâce. Aller trop loin chercher femme était mal vu. C'était montrer qu'il n'en pouvait trouver près de chez lui, de toute manière c'était risquer l'aventure. Pourquoi en effet la fille de ce pays perdu n'avait elle pas trouvé, elle, preneur ? Au surplus l'épouse, originaire d'une contrée où le capot n'était pas porté, restait toujours, avec sa coiffe bizarre, une étrangère aux yeux des filles de Grâce, jalouses aussi de n'avoir pas été sollicitées.

Le maire, trouvant parfois trop cérémonieux de ceindre l'écharpe tricolore, la posait, sur la table, enveloppée dans son papier de soie. Le mariage religieux avait lieu tout de suite après, toutes les cloches sonnant à la fois.

La mariée, pour l'occasion, ayant naturellement mis ses plus beaux atours, arborait une coiffe spéciale de mariage plus importante et plus jolie que le capot, la même dont se paraient, aux grandes processions, les porteuses de la statue de Notre-dame de Grâce.

A la sortie, tous les invités endimanchés, entraînés par les mariés, le garçon d' honneur et les deux familles, s'égaillaient       dans les auberges, aucune ne devant être oubliée.

Un petit air de musique et en route. Le cortège part rapidement vers la maison des parents de la mariée où l'attend le banquet. Chemin faisant, on s'arrête devant les maisons où, sur une chaise, est mis en évidence un bouquet de fleurs des champs. Les musiciens jouent et, pour remercier, les couples font une ronde autour du bouquet que les mariés emportent, entraînant leur suite au pas de charge, car il est tard et les estomacs sont creux. mais voici la ferme. Une cuisinière, postée pour faire le guet, disparaît en toute hâte en apercevant la tête du cortège.

Dans la grange, vidée de ses instruments agricoles, on a, en guise de tables, allongé des planches sur des tréteaux. Des draps de lits, aux plis encore apparents, servent de nappes. A grâce, pays de la toile, les armoires en sont pleines. s'il en manque, on emprunte. D'autres, tendus, avec une fleur piquée en leur milieu, cachent les murs nus et les toiles d'araignées.

La cuisine est mitonnée en plein vent dans les plus grandes marmites, celles qui servent à préparer la nourriture des bêtes. Autour, armées de louches et d'écumoires, s'agite tout un essaim de femmes.

Les invités, assis sur des bancs étroits les hommes gardant bien entendu le chapeau sur la tête attendent, sans impatience sachant que le repas durera plusieurs heures, que la soupière soit présentée à chacun. Comme la soupe est bonne, on en reprend. Ensuite une tranche de pâté, servie avec un bout de saucisse, fait sortir de la poche le couteau, instrument ne faisant jamais partie du couvert, pas plus d'ailleurs que la serviette dont on se passe. Les pichets sont pleins, on commence à bavarder avec de table en table.

Au menu :

de bons morceaux bien mijotés du veau tué pour l'occasion, ou les plus belles poules du poulailler sous forme de poule au pot, ou encore de l'andouille fumée décrochée de l' âtre, servie en rondelles sur un coussin de purée. Si le repas est simple, les portions sont, elles, taillées pour de gros appétits.

Chanteuses et chanteurs très applaudis se succèdent jusqu'à la fin. Pas de fromage mais un flan d'oeufs, avec un bon morceau de gâteau breton et un verre de vin. Pour terminer café, et pousse café sous forme d'une vieille eau de vie de cidre "de derrière les fagots".

Ensuite la noce en chantant retourne danser au bourg. On recommence le lendemain parfois le surlendemain lorsque la "boursée" des parents, suffisamment arrondie, le permet, la dernière chanson finale, qui se perd dans la nuit, étant : "En revenant des noces, j'étais bien fatigué..."