MEDECINS, REBOUTEUX, GUERISSEURS,

ET AUTRES

 ARRACHEURS DE DENTS




Si le vieux docteur du Gourlay, oculiste à la retraite, demeurant en son château de Bel Orient, acceptait, bien qu'absent la moitié de l'année, de soigner, sans prendre d'honoraires, et quelle que soit leur maladie, les habitants de Grâce dont il était maire, le médecin le plus proche habitait Uzel. On s'y rendait à cheval pour le prévenir -uniquement dans un cas grave ou désespéré - pour apprendre, souvent hélas qu'il était parti en tournée à Allineuc ou à Merléac. Le temps qu'il revienne, repasse à Uzel, par des routes en montagnes russes, et arrive à Grâce, toujours au même petit train de sa carriole décapotable, le moribond était mort. Ce qui ne veut pas dire que le médecin et, plus tard, les deux médecins d'Uzel n'étaient pas capables. Au contraire, ils devaient soigner toutes les maladies et pratiquer la petite et même la grande chirurgie.

 

Plutôt qu'à un médecin, les gens préféraient s'adresser à un rebouteux qui, l'ayant appris de son père et de son grand-père, savait remettre en place une articulation mise à mal ou une vertèbre déplacée. Un peu de saindoux dans le creux de la main, un massage et ... clic -aie- et le patient, venu péniblement clopin-clopant avec une canne, s'en retournait droit comme un l majuscule. Le rebouteux opérait n'importe ou, dans sa cuisine ou mieux dans son cellier, ce qui lui permettait de courber la malade sur une barrique pour  manipuler plus à son aise. On faisait queue à sa porte, tant sa renommée était grande.

 

Il eut été stupide, en ce cas de mal de dents, de prendre le train et de perdre une journée à Saint-brieuc et du temps à trouver un dentiste alors que le maréchal ferrant, charitable et, qui ne manquait pas d'instruments, faisait parfaitement l'affaire. Pour opérer, il utilisait le "pahu" (seuil de la porte). Assis sur la marche haute, tenant fortement serrée entre ses genoux la tête, bouche ouverte, du supplicié, comme lui assis mais plus bas, il arrachait la dent gâtée en un tournemain, n'oubliant pas de prescrire un bon rinçage au vinaigre ou à l'eau-de-vie. C'est la main collée sur la joue douloureuse ou, en cas d'hémorragie, le noeud de son mouchoir serré fortement entre les gencives, l'autre bout pendant sous le menton, que l'infortuné patient rentrait chez lui, la bouche en feu. " Ça brûlait là-dedans, ça saignait" se rappelle encore un des vieux clients. En remerciement du service rendu, l'opérateur recevait un paquet de tabac.

 

Ecrasées sur une plaie, les feuilles (ressemblant à de l'artichaut) d'une plante qui pousse près des puits, activaient la circulation.

Contre l'infection, rien de mieux que de frotter une blessure avec du gros sel ou de le mettre en cataplasme.

Un doigt entaillé, trempé dans un verre de bon vin guérissait vite. 

En cas de piqûre d'abeille ou de guêpe, le vinaigre était tout indiqué.

Contre la morsure d'une vipère, sucer ou demander au forgeron de toucher avec un fer porté au rouge.

Des gousses d'ail, enfilées autour du cou d'un enfant le préservait, à coup sûr, des vers intestinaux.

Les remèdes ne manquaient pas, transmis de génération en génération.

A titre préventif ou thérapeutique, certaines personnes  conseillaient de boire de l'eau de la fontaine dédiée à Notre Dame de Grâce ou de l'utiliser en lotion sur les parties malades,  cette eau étant réputée miraculeuse.

On recommandait aussi une visite aux Saints guérisseurs de Moncontour, chacun d'eux ayant une spécialité : la peur, la migraine, la colique, la folie ...

Les animaux étaient soigné aussi, avec des remèdes empiriques, le vétérinaire n'existant pas.

Par exemple, les boeufs ou les vaches attrapaient parfois le "dragon", tache causée par un brin de paille ou une balle d'avoine sur l'oeil qui risquait de l'infecter tout entier. Pour le faire disparaître, on soufflait dans un cornet de papier, pour projeter du sel dans l'oeil, l'animal étant maintenu solidement car il réagissait avec violence. On savait aussi guérir une vache enflée, vouée à la mort, pour avoir brouté du trèfle humide.

Certains êtres, dotés d'un pouvoir maléfique, comme les "jeteux de sort", rendaient malades le boeufs ou faisaient tarir les vaches. Il convenait alors, le recteur refusant de s'occuper de ce genre de choses, de faire appel au "défaizou" ou "défainou"  pour contrer, moyennant finance, leur influence néfaste.

La "marlurette" prédisait l'avenir, tout en étant capable de vous aider à retrouver une affection perdue, et, beaucoup mieux que Saint-Antoine, un porte-monnaie ou un parapluie égaré. Elle aussi pouvait, dans certain cas, éloigner le mauvais sort. Ses conseils très précieux étaient payants.