LA MORT ET L' ENTERREMENT




Aux malades, après la messe du matin, aux mourants, à n' importe quelle heure, le prêtre en surplis, précédé d'un enfant de choeur, en tenue rouge et blanche, agitant une clochette, se rendait à pied "porter le bon Dieu". A leur passage, les femmes s'agenouillaient en faisant un signe de croix et les hommes se découvraient.

On appelait "ajournement" l'avertissement d'une mort prochaine donné, le plus souvent par le cri, qui glaçait d'épouvante la personne veillant un moribond, le cri strident du plus sinistre des oiseaux nocturnes, la "fersaie", accompagné parfois de coups de bec sur les vitres, les seules éclairées dans l'obscurité totale de la nuit. Ce signe ne pouvait tromper.

Une foi profonde, celle des "anciens jours", comme disait le cantique, ayant sanctifié tous les actes de sa vie, donnait à l'agonisant la consolation de mourir en paix, au milieu du cercle de ses enfants agenouillés. L'extrême-onction reçue, il apercevait, les yeux déjà voilés, la route toute droite menant au Paradis. A Grâce, une jeune fille de quinze ans, à sa dernière heure, n'a-t-elle pas chanté, s'adressant à la Vierge :

 

        j' irai te voir un jour

       Au ciel dans ma patrie

                                                                        

Le glas sonné, dès coups pour un homme, la nouvelle de la mort, comportait 7 pour une femme et 5 pour un enfant.

Le défunt, habillé de son plus beau costume, chemise blanche et cravate noire, les mains jointes entourées d'un chapelet, était allongé, haut dans son lit, sur une planche glissée sous  le drap. Du jour du décès à la veille des obsèques, voisins et amis se réunissaient, à la tombée de la nuit, pour prier dans la maison du mort. Si la place manquait, ils restaient dehors, le plus près possible de la porte ouverte, répondant eux aussi aux prières généralement dites par l'ensevelisseuse.

La mise en bière, ayant lieu juste avant l'enterrement, nombreux étaient ceux qui venaient dire un dernier adieu au visage familier et dessiner sur lui, avec le rameau trempé dans l'eau bénite, un grand signe de croix.

Dès l'arrivée du recteur, chaque fois présent à la levée du corps, le cortège s'ébranlait, la "châsse" (le cercueil) drapée, toujours portée à bras, en dépit de la distance à parcourir. En tête, un enfant de choeur, suivi de la croix, secouait de temps en temps une petite cloche "l'échelette". La procession avançait lentement tantôt par des chemins étroits que celui qu'on emportait à sa dernière demeure avait tant de fois parcourus, tantôt en bordure des champs qu'il avait si souvent ensemencés ou moissonnés. Quand les chemins devinrent meilleurs, les porteurs furent remplacés par une voiture à deux roues tirée par un cheval, et plus tard, par une fourgonnette automobile.

Un tintement de cloche annonçait l'arrivée du cortège sous le porche de l'église. L'assistance nombreuse et recueillie, entendait la messe, avant le défilé final pour l'aspersion de l'eau bénite, et que l'officiant donnait la liste de ceux qui avaient commandé des services pour le repos de l'âme du disparu, les octaves (8 services) étant mentionnés d'abord. Pas de condoléances ni d'éloge.

Les services, comprenant le "Libera" le "Pater noster" et le "De profundis", avaient lieu en semaine, à la suite de la messe du matin, en série si nécessaire et plusieurs jours de suite si leur nombre l'exigeait. y assistaient une personne de la famille qui les offrait et au moins un proche parent du trépassé.

Pendant que les membres de la famille se groupaient autour de la tombe ouverte, ceux qui avaient assisté à la cérémonie funèbre se répartissaient dans le cimetière, alors entourant l'église, pour se recueillir, communion des vivants et des morts, chacun sur la tombe des siens. Suivant la coutume, les hommes, après l'enterrement, buvaient un bon coup dans les auberges pour se remonter le moral tandis que les femmes, ayant fait quelques emplettes, toujours pressées, rentraient au logis à grandes enjambées.