LES TOILES DE BRETAGNE


Les registres paroissiaux nous montrent le nombre considérable de "tessier" (tisserands) et "filandières" (fileuses) qui vivaient à Grâce.

L'industrie de la toile très ancienne en Bretagne, paraît remonter à la fin du XVème siècle. si les tisserands de la région d'Uzel étaient considérés comme les meilleurs de toute la Bretagne, ceux de Grâce et de Saint Hervé avaient la spécialité des toiles les plus fines, utilisées pour les tamis et les cornettes des religieuses.

Cette industrie, relativement florissante au XVIIIème siècle (la moitié des toiles étaient exportées en Espagne et au Portugal et de là en Amérique du Sud), périclita lorsque la Cour d'Espagne greva les seules toiles de Bretagne d'un nouveau droit d'entrée alors que celles d'autres provenances y échappaient. le malaise continua pendant les guerres de l'Empire. Il s'accentua par la suite, particulièrement à partir de 1825, comme le constate l'abbé GAUTIER dans son livre "Un siècle d'indigence" : Enquête ministérielle de 1844 "la filature occupait autrefois toutes les femmes qui gagnaient de 0,40F à 0,50F par jour, maintenant les fileuses ne peuvent gagner au-delà de 0,20F."

Il fait aussi état d'un autre rapport de 1850 du sous-préfet de Loudéac : "la décadence du commerce des toiles dites de Bretagne est la cause principale de la misère du pays. Aussi est-ce dans la partie qui était le siège de la fabrication des toiles que la misère sévit avec le plus d'intensité. Comme les fileuses et les tisserands ne retirent de leur travail qu'un salaire insuffisant, ils sont obligés de demander l'aumône des moyens d' existences."

La commune d'Uzel précise à la même date : "notre pays ne peut manquer d'être le plus malheureux de tous, puisque les fileuses, formant la plus grande partie de la population, gagnent à peine 0,15F par jour".

Au cour du XIXème siècle, la concurrence des manufactures du Nord de la France, inondant le pays de "toiles mécaniques", moins solides mais moins chères, acheva la décadence. La guerre de 14 - 18 vit la fin des tisserands.